Fondements théoriques

Nouvelles transformations, figures isométriques ou semblables, pourquoi ces nouveaux outils pour le collège ?

Un premier extrait d'un article visible sur la page de Daniel Perrin pour présenter les outils en question :

FondamentalQuels outils pour le collège ?

"Pour atteindre ces objectifs, c'est-à-dire promouvoir un enseignement de la géométrie qui développe la vision, en s'appuyant sur la figure et qui permette le raisonnement, en ne le réduisant pas à un exercice de style, il est essentiel que les élèves disposent dès le collège des outils les mieux adaptés.

Le mot “outil” est un des mots-clés de ce texte. C'est sans doute une réminiscence de cette affiche, sur le mur des classes de l'école primaire de mon village, qui proclamait : “les bons ouvriers ont toujours de bons outils”. Je pense que cela s'applique aussi aux mathématiques. Dans le cas de la géométrie du collège je discuterai de la pertinence de certains outils “pour prouver”, parmi lesquels on peut citer :

  • les invariants (longueurs, angles, aires),

  • les cas “d'égalité” et de similitude,

  • le calcul,

  • les transformations."

(Daniel Perrin)

Les trois paragraphes suivants sont des extraits significatifs de la suite de ce texte.

1 - Les invariants

Fondamental

"Le discours dominant à l'époque des mathématiques modernes mettait en avant le programme d'Erlangen de Felix Klein (1872). La thèse de Klein est qu'une géométrie consiste essentiellement en la donnée d'un groupe (de transformations) opérant sur un ensemble. Ce point de vue, reste, à mon avis, tout à fait valable, mais, tel quel, il est insuffisant car, s'il permet de comprendre de quelle géométrie relève tel ou tel théorème (par exemple Pythagore de la géométrie euclidienne, Thalès de la géométrie affine et Pappus de la géométrie projective), il n'explique pas par quels procédés on obtient ces théorèmes. Or, cette question est résolue aussi, à peu près à l'époque de Klein, par la théorie des invariants.....

... Or, dans le cas de la géométrie du collège, les invariants en question correspondent aux notions de longueur, d'angle et d'aire et un contresens majeur de la réforme des mathématiques modernes a été d'occulter au moins partiellement ces invariants qui restent encore mal aimés aujourd'hui, au profit des transformations.

On a vu que ce que dit la théorie c'est que les théorèmes d'une géométrie proviennent toujours de relations entre invariants relatifs à cette géométrie. La conséquence pratique de ce fait c'est que la constatation empirique que les invariants sont efficaces pour faire de la géométrie est pleinement justifiée par la théorie : tout problème de géométrie affine (resp. euclidienne) doit pouvoir se résoudre par usage des aires (resp. des longueurs et des angles). C'est cette réflexion mathématique qui motive ma position didactique en faveur d'un usage plus systématique des invariants au collège.

Dans la pratique, pour que l'utilisation des invariants aire et angle soit efficace il est nécessaire de disposer d'un petit nombre d'accessoires pour compléter ces outils. Pour les aires il s'agit essentiellement des “lemmes du collège”, cf. [Aires] ; pour les angles, on peut citer en vrac la somme des angles d'un triangle, l'usage du complémentaire et du supplémentaire, les angles alternes-internes et correspondants, et enfin, le théorème de l'angle inscrit."

(Daniel Perrin)

2 - Cas d'isométrie et de similitude

Fondamental

"Fondements théoriques de l'usage des cas d'isométrie comme outil.

Un problème crucial qu'on rencontre lorsqu'on travaille avec un groupe de transformations G d'un ensemble X est de dire si G est transitif, c'est-à-dire si on peut transformer n'importe quel élément de X en n'importe quel autre par l'action du groupe. Par exemple, dans le plan, le groupe des isométries opère transitivement sur l'ensemble des points ou sur celui des demi-droites. En revanche, il n'est pas transitif sur l'ensemble des segments, ou sur l'ensemble des couples de demi-droites de même sommet.

Lorsque le groupe n'est pas transitif, l'objectif est de d´écrire ses orbites, c'est-à-dire de donner un critère commode pour savoir si deux éléments peuvent ou non être transportés l'un sur l'autre. Beaucoup d'invariants géométriques peuvent s'interpréter en ces termes de description d'orbites, en visant un théorème du genre :

Deux éléments de X peuvent être échangés par l'action de G (i.e. sont dans la même orbite) si et seulement si certains de leurs invariants sont les mêmes.

Par exemple, deux segments peuvent être échangés par le groupe des isométries si et seulement si ils ont même longueur. Deux couples de demi-droites peuvent être échangés par le groupe des isométries si et seulement si ils ont même angle.

Or, que font les cas d'isométrie des triangles ? Ils décrivent exactement les orbites du groupe des isométries dans son action sur les triangles en donnant des critères commodes qui permettent d'affirmer l'existence d'une isométrie échangeant deux triangles (avec comme conséquence l'égalité des autres éléments que ceux utilisés) sans être obligé, comme c'est le cas actuellement, d'exhiber celle-ci.

Le même argument vaut évidemment pour les similitudes, avec, dans ce cas, deux avantages supplémentaires :

  • il y a un critère (avec deux angles égaux) d'une simplicité enfantine,

  • on connaît encore toutes les similitudes planes mais il est nettement plus compliqué que dans le cas des isométries de repérer celle qui va faire le travail."

(Daniel Perrin)

Et encore :

Fondamental

"Avec l'outil “triangles isométriques”, le raisonnement peut être entièrement à la charge de l'élève. Avec l'outil “transformations”, il est nécessaire de le découper en rondelles, toutes plus insipides les unes que les autres.

Par ailleurs des travaux récents de psychologues (Duval) ont montré qu'il y a dans ce type de preuve une difficulté liée à la dimension. Le plus naturel, pour les jeunes élèves, c'est la vision d'un objet géométrique (par exemple un triangle) comme une surface, car il s'agit d'un objet que l'on peut imaginer manipuler et déplacer, alors que c'est plus difficile pour les droites et les points. C'est ce qui rend plus faciles les preuves par les triangles isométriques : on les voit. De plus, dans les démonstrations à base de transformations, il est nécessaire de penser les points comme intersections de deux lignes (droites ou cercles) et cela semble être une véritable difficulté pour les débutants."

(Daniel Perrin)

Remarque

Pour ceux qui ont oublié, ou pour ceux qui ne connaissent pas encore, les cas d'isométrie et les cas de similitude sont énoncés dans les paragraphes suivants ici et .

a) Un exemple :

La situation :

On considère deux demi-droites Ox et Oy. A et C (sur Ox) et B et D (sur Oy) sont tels que OA = OB et OC = OD.

AD et BC se coupent en I. Démontrer que la demi-droite [OI est bissectrice de l'angle xOy.

  • La démonstration par les transformations ? Elle invite à utiliser la symétrie axiale d'axe ... la bissectrice de xOy ; à condition de "savoir" qu'une bissectrice est axe de symétrie d'un angle de demi-droites ! Et un jeune élève qui décide de la tracer "voit" ... qu'elle l'est déjà ! ! ! A moins de raisonner sans la tracer ... Déjà beaucoup de subtilités. Ensuite il faut penser au symétrique du segment [BC] par exemple, au point commun entre ce segment et son symétrique. Inutile de dire que l'énoncé devra être bien "saucissonné en tranches".

  • La démonstration par les triangles isométriques ? Bien sûr qu'elle n'est pas complètement immédiate. Mais l'énoncé peut-être laissé tel quel sous cette forme assez ouverte. L'enchaînement des couples de triangles isométriques est laissé à la charge de l'élève : l'exercice garde une saveur certaine (testé avec des élèves de seconde pas spécialement brillants en mathématiques, vers les années 2000, quand le programme le permettait).

b) second exemple

Parfois la démonstration par les transformations coule de source et reste très simple.

Ainsi, lorsqu'on veut expliquer qu'un quadrilatère qui a ses côtés deux à deux parallèles est un parallélogramme rien de plus naturel que considérer le milieu I d'une des diagonales et d'utiliser la symétrie de centre I (dans le cas ou on a choisi comme définition du parallélogramme "un quadrilatère dont les diagonales se coupent en leur milieu".

En bref : les cas d'isométrie ? oui, mais pas de façon systématique ! N'oublions pas de varier les approches ...

c) troisième exemple

Pour introduire la notion de médiatrice, les propriétés des triangles isocèles par exemple, les méthodes sont diverses et variées. Avec les outils supplémentaires du programme 2016 on peut également penser aux cas d'isométrie du triangle rectangle ! Ainsi dans la figure ci-contre on aura immédiatement remarqué deux triangles rectangles isométriques ; si bien que la hauteur est aussi bissectrice et médiatrice. Une méthode ultra rapide pour faire un retour sur les notions vues les années précédentes, quand les élèves affirment (évidemment !) qu'ils n'en ont jamais entendu parler auparavant.

3 - Les transformations

Dans le projet de programme de 2016 figurent les rotations et les homothéties, uniquement "par leurs effets". On peut donc considérer qu'y figurent toutes les isométries et les similitudes. La cohérence avec ce qui est écrit ci-dessus devient immédiate : on les introduit avec un logiciel de dessin ou de géométrie dynamique, en montrant comment elles transforment des figures (et non pas des points). Le lien avec les figures isométriques ou semblables est facile à mettre en place (tout ceci sera largement détaillé dans les paragraphes suivants).

Quant aux démonstrations avec ces transformations, elles se limiteront à la rigueur à l'emploi des translations ou symétries sans oublier qu'elles ont si nécessaire leur équivalent avec l'emploi des cas d'isométrie ou de similitude ! Et on imagine mal en collège bâtir une démonstration sur des rotations ou des homothéties. Là encore ce n'est pas grave puisque ces cas d'isométrie et de similitude sont un excellent outil de remplacement.